est une nouvelle émission très intéressante qui joue cet été, le samedi à 15h à Ici Première, sur les ondes de Radio-Canada.
Elle est animée par Catherine Perrin et réalisée par Diane Maheux.
L'émission se penche sur la musique engagée qui a jalonné l'histoire, sur ses signifiances ainsi que sur les artistes et leurs démarches qui ont permis l'élan, l'éloquence et le manifeste de chacune de ces pièces influentes.
Autrement dit, on retourne au soul et à l'essence de la création musicale.
Conséquemment, j'ai été invitée à collaborer à l'émission de ce samedi 3 juillet pour parler de mes compositions personnelles mais aussi de celles qui nous ont tous inspirés lorsqu'on suit les sentiers des mouvements de défense des droits civiques.
Comme on dit chez nous, honneur, respect...
Écoutez l'émission ICI , aujourd'dui, samedi 3 juillet 2021 à 15h.
Pour moi, ce qu'il est important de noter quand on parle de l'histoire des droits civiques des afro-américains, c'est que ce mouvement ne peut pas être borné par une date de début et une date de fin, par ces chiffres totems qui viennent délimiter une paix symbolique qui n'est encore enracinée ni dans son perdurable et ni même dans son originel.
Tout comme on ne peut non plus la cantonner derrière des frontières allégoriques où certains aiment bien s'enfouir la raison pour se convaincre que “ tout ça ne se passe pas ici, chez nous ! ” Car aussitôt que furent imposées les hiérarchies humaines de l'esclavage et des colonisations qui ont gravé, creusé ces frontières dans notre peau comme dans notre vue d'ensemble, le mouvement naturel du Nègre vers sa liberté s'est fait entendre puis connaître partout.
Il faut aussi noter que ce qu'on a choisi d'appeler “ la musique ” existait, selon les dires de nos hommes de science et de leurs vestiges paléolithiques, à l'âge de bronze, y'a plus de 40000 ans av. J.-C . Elle se trouvait déjà sur le continent africain où les hommes créaient des mélodies sonores, à l'aide de leurs voix et de leurs instruments, pour d'abord se retrouver puis pour se donner du rythme et du courage au travail, à la chasse, aux longues marches, à la guerre... pour eventuellement en faire de la beauté, destinée à implorer puis honorer les cieux, la terre, la nature et tous les dieux qui les ont habités. Vivre est devenu une danse.
La musique, tout comme l'Homme, était déjà en mouvement.
Ceux-ci ne se sont pas impulsés sous la menace du fouet et des piétinements de l'ordre raciste systémique.
Ils ont été appropriés, sous cet ordre, puis vendus, par ce système.
Vous savez, on ne pourra pas toujours se confondre sur les liens entre la marionnette et la main.
Car qui bouge et qui fait bouger ?
Ces liens rompus, le spectacle se désarticule ; Quelle scène s'écroule et quel monde agit ?
Quels sont les sons, les accents de l'énergie ?
Quelle odeur libère l'art qui brûle ?
Ainsi, pour résumer la base qu'on entend pas assez, l'histoire de la musique populaire hollywoodienne - et donc internationale - c'est en d'autres mots, l'histoire même de la musique des Noirs, engendrée par les Noirs.
Cette musique codée, multi-couches, qui a traversé les océans, qui a été partagée entre les griots, entre les marrons, entre les révolutionnaires pour devenir cri de liberté, devenir rythmes-racines ancestraux, devenir chants des champs, du working man, des fers et des chaînes, des rails et des chemins sans destin, devenir vaillance du paysan, coeur du Negro-Spiritual, âme du Blues puis du Ragtime, âme des hurlements de guitares détunées, du love du R&B qui entraîna le Rock'n'Roll et l'intelligence du Jazz qui fait briller ce Freestyle qui ne se décortique toujours pas ! Même quand il est bétonné et machiné par la rue, par son hustle et son Hip Hop qui ne meurt pas !
Musique de sauvages, disent-ils ?
Tous ces sons disséminés aux quatre vents sur les billboards de la planète “American Dream” descendent tout droit de la hantise cauchemardesque du Nègre à qui les colonies n'a pas pu enlever le natural mystic. Seulement le profit des êtres de papier d'une forme retenue, puis formatée pour l'échiquier des chéquiers du marché global...
Or, tous les commercialisateurs, tous les ordonnateurs comme les ordinateurs, tous les économythiques comme les écolomuteurs le savent très bien que ce qui a beau maîtriser la forme pour la conquérir ne saura jamais contenir le fond, le composite du mouvement spontané primitif.
On ne contrôle pas la révolte des eaux.
Ce n'est pas le feu qui brûle qui embrase le vol de l'oiseau !
Quand les eaux se verront nous engloutir, je vous laisserai votre homérique billet pour Mars.
Je vous laisserai vous imaginer défier l'auteur du thème du générique, se moquant de vous comme une garce...
And that's what we call Freedom. Freedom Songs.
Voilà pourquoi la musique des droits civiques des Noirs est, a toujours été et sera toujours en mouvement.
Voilà pourquoi toute musique noire est une musique engagée et de ce fait, respectable ne serait-ce que pour sa généalogie, sa portée et sa franchise.
Voilà pourquoi, même lorsqu'elle s'amuse, la musique noire ne joue pas. Parce qu'elle ne fuit pas mais elle se bat ! Et donc elle vit !
Elle inspire la vie !
Voilà pourquoi j'en ai fait naturellement mon métier et mon souffle. Pourquoi je la prends très au sérieux.
Pourquoi je la laisse évoluer, jusqu'à ce que vie s'en suive.
Écoutez l'émission aujourd'hui, 15h, sur Ici Première à Radio-Canada
Écoutez l'émission
Ça fait deux décennies qu'on me parle du fameux déclin de la langue. Pourtant la langue, elle, elle s'en balance ! Elle fait son chemin, bouge avec le temps, enlace le courant… Peut-être qu'on devrait la suivre nous aussi et l'écouter plus attentivement plutôt que de chercher à la retenir et à la figer dans quelque chose de trop petit pour elle.
Une langue, ça ne s'impose pas. Ça s'imprègne à force d'être entendue puis appréciée dans son bouquet de vies journalier de la parlure commune.
Je trouve ça tellement désagréable et presque honteux en fait quand j'écoute des gens discuter sur nos écrans ou dans nos différents canaux de diffusions de la pensée et que je peux les voir, les sentir se retenir puis briser le flot de la conversation sous la menace de la police de la langue. Tu vois dans leurs yeux, tu entends dans les oscillations de leur élocution l'hésitation alors qu'ils interrompent la crue de la convo pour chercher à traduire leur parlure naturelle et commune par cette soit disant langue imposée des justes et des bien-pensants.
Ils me font marrer…
Je suis fière de la langue française - ma préférée d'ailleurs - telle qu'elle se présente en connaissance de cause dans toute sa liberté, son originalité et sa pertinence, avec tous ces accents et ces expressions sans frontières qui la gardent présente, tangible et vivante dans son mouvement qui s'harmonise avec le reste du temps, le reste du monde. L'histoire se compose encore, mes amis ! Et sa langue aussi !
Cliquez sur l'image pour lire l'article.
Dans le cadre de la Nuit Blanche de Montréal en lumière 2021, Pierre-Yves Lord nous a invités pour son émission spéciale, Manu Militari et moi, à écrire un verse pour l'occasion sur le sujet.
J'en ai profité pour balancer une petite minute de leçon de Rap.
Et d'histoire en même temps sur ce que signifie ou promet une nuit enflammée.
Shoutout à Nic Boulay pour le beat
Le jour se couche là
Où le rêve le relaye, le relève et le paye...
On est à l'heure de l'éveil
Wouch!
Alors je l'enfourche
La nuit porte conseil puis elle me lâche lousse
Lumière
Yayades
Frère Jacques se balade,
On fait la révolution en cuillère.
Déclanchez la guerre ! L'amour de la nuit !
Gloire aux G qui ramènent le bread
Les longs couteaux veulent trancher la mie
Mais le jour nie toute hégémonie
J'ambiance l'insomnie ;
Blanche est la nuit et le noir ramène sa lumière
Fiyah bun dans les chaumières !
Rythme créole dans la langue de Molière
Laisse tourner la terre que j'embrasse l'apocalypse
Vas-y baby, jette l'aiguille sur le disque
La nuit - Le feu
Le feu - Le phare
Le phare - Le sun
Le sun - Icare
L'égo - Le corps
Le maître…Igor
Méfie-toi de l'aube qui dort.
Et je m'éclipse…
Évidemment, on a beau débattre de la pertinence de la célébration du Mois de l'histoire des Noirs à chaque année, reste que c'est toujours et presque exclusivement pendant le mois de février que les échanges et le talent brillent par leur noirceur.
Et je ne parle pas seulement de la couleur de peau. Je parle aussi de l'obscurantisme dans lequel ces distinctions et ces conversations sont reléguées et de cet identitaire de seconde classe, ce rôle de figurant qui attend son tour derrière les rideaux en espérant qu'en celui-ci, il ne s'éclipsera pas irrévocablement...
Alors parmi tous les coups d'éclat de toutes les formes et de toutes parts, (et je dois admettre le triste constat que plusieurs lueurs d'espoir, maintenant à bout de souffle, en sont à se tamiser ou même s'éteindre. À force de coups de paix dans l'eau !
Parce' fuck les charrieux pis les chariots d'la caravane qui ne passe que là où ça aboie !
Au royaume des bornés, les aveugles sont rois…et les muets sont ornés de l'imposture qui flamboie ).
Bon. Là j'vais faire gaffe de ne pas m'emporter...si tu vois c'que j'veux dire.
Je disais donc que parmi toutes les expositions du mois, je vous partage celle-ci.
Myriam Fehmiu et Philippe Fehmiu, que je big up pour le micro qu'ils ont passé aux afro-descendants pendant tout le mois de février, ont invité plusieurs figures marquantes de tous les horizons de la communauté pour réfléchir à cette quesrtion :
Comment faire rayonner les gens des communautés noires et racisées au-delà du mois de février et j'ajoute, au-delà des événements socio-politiques qui buzzent en ce moment ?
Excellent échange de points de vue que je vous conseille d'écouter intégralement.
Moi, je viens jetter de la lumière à 15h21 pour qu'on revoit ensemble l'histoire en poème dans “Ces fruits étranges”.
Et j'y reste pour la table ronde qui s'en suit.
Il ne suffit plus d'être présent. Désormais, il faut exiger d'être présent, dans sa peau.
Cliquez sur l'image pour écouter l'émission
Maliciouz est une artiste que je suis avec admiration depuis plusieurs années déjà.
J'ai vu plusieurs de ses expositions, j'ai vu plusieurs de ses fresques sur les murs de la ville et à chaque fois, c'est un peu comme si j'étais dans un musée. En fait, ça me rappelle que l'art, le vrai, s'appréciait dans la rue, dans les cypher, sur les plages, devant les cases, devant les griots, sous le ciel...avant d'être soit disant exhaussé sur des scènes, des présentoirs et des piedestaux.
Je m'arrête. Je me laisse attraper. Le temps ne compte plus. Il 'y a plus que l'oeuvre et moi et on se regarde, les yeux dans les yeux.
Quand Maliciouz m'a dit qu'elle publiait un livre dans lequel elle assemblait ses créations, un peu comme on assemble les morceaux de notre mémoire, en m'invitant à y écrire un texte sur le sacré, sur cette spiritualité transmise depuis toujours par notre sang, je n'ai pas cherché longtemps pour que l'inspiration me trouve.
Voici ce que je lui ai répondu :
J'espérais pouvoir envelopper décemment un de ses tableaux avec mes pensées.
Mais quand j'ai vu toutes les peintures et les statements qui entouraient mon texte, comme pour rappeler toute la place que la vie et moi on occupe l'une dans l'autre, l'une pour l'autre, j'ai retrouvé la vue d'ensemble. Thanks sista.
Rarement on ouvre un livre et ressent une telle intensité émotive dès qu'on pose les yeux sur les premières pages. Ces images qui valent mille mots mais souvent aussi, mille silences…
La voix de Maliciouz porte très haut. Quand tu peux entendre à la fois le passé et le futur dans un même instant, c'est que t'es freakin' là ! T'sé quand tu catch que t'es pas juste le pont mais que tu es aussi la mer, le ciel, le courant ?
Que t'es pas juste une identité définie dans un cadre mais que tu es ce regard auquel, dès lors qu'on le croise, on s'identifie ?
En plein coeur de ces desseins en mouvement, page 120 : Spirits.
Le texte que j'ai signé. En tout honneur et respect.
https://www.maliciouz.com/
Non mais, tu crois qu’en entendant dire « N-word », je n’entends plus le mot nègre ?
Que je crois que quiconque en disant «N-word», dans sa tête ne pense pas au nègre ?
Hey ! Faut arrêter les gars ! Mascarade à la con…
Et voilà que le mot maître de sa liberté, en toute liberté, se fait blackbouler pour devenir à lui seul maître de l’esclave...
Le nègre
est une couleur que la colonisation a attachée à la servitude,
l’opposant à la couleur blanche qu’elle associa à la liberté.
Et c’est dans la stratification des tons entre les deux que se déploie la hiérarchisation raciale, le racisme systémique.
Je ne suis pas née « libre de couleur ».
Je suis née nègre. Comme ma peau que jamais je ne blanchirai.
Je suis née nègre au nom de tous les nègres qui m’ont évoquée en criant liberté !
Nous sommes libres parce que je suis encore…Nègre !
Tu les entends crier ?
Nègre fondamental, nègre lakay, grand nègre, nèg pam…
Voici l’homme !
Le Nègre de l’exploitation de l’Homme par l’homme.
Et ce, quoi qu’il advienne…
Honneur et respect à tous les pères et toutes les mères de notre histoire
qui aux pieds de l’arbre généalogique
ont versé leur sang, ont donné leurs vies pour faire naître la mienne.
Naître et mourir, un même souffle, harmonique.
La liberté n’est amère qu’à la bouche de ceux qui craignent qu’elle les voit soumis.
Entre l’amertume de celui qui se tait et s’oublie
puis celle de celui qui pense “ Nigga, sue me”,
laquelle est la plus assassine ?
Sur mon certificat, ce lègue en signature; Douce mais tranchante, ma plume s’affine.
Laissons renaître le Nègre.
Car aucun enfant du monde ne naît aigre
aux bras de ses racines.
Jenny Salgado
Comme on dit en créole, Onè! Respè! pour et de la part de mes deux Gran Nèg, Imposs et Webster...
J'entre en scène à partir du moment où Alexandre Goyette (celui qui a écrit la pièce originale et qui a lui-même joué King Dave autant au théâtre que dans l'adaptation au cinéma) fait vibrer mon téléphone...
Il m'explique, dans une conversation très intéressante et même très importante, qu'à la prise de conscience de tout ce qui se passe en ce moment socialement dans le monde et particulièrement ici au Québec quand aux évènements puis débordements autour du meurtre de George Floyd, aux prises de paroles sur le racisme systémique et aux actions nécessaires face à l'inéquité raciale, il avait envie de se responsabiliser lui aussi, de faire sa part.
Voilà où s'enracine pour lui l'idée de reprendre son oeuvre totem, celle qui a eu un énorme succès il y a 15 ans, mais en cédant son rôle aujourd'hui en 2020, celui de King Dave, à Anglesh Major, un jeune acteur haïtiano-québécois qu'il avait vu jouer y'a quelques années, qui l'avait vraiment impréssionné et qu'il s'était promis de revoir.
L'équipe de Duceppe a adoré l'idée. Elle a embarqué. C'est elle qui la présentera.
Anglesh dans un premier rôle, dans un seul en scène, à la Place-des-Arts... woush ! Placez deux ou trois emoji de feu ici. C'est chaud.
Mais chaud patate ! Comme disent les Haïtiens de Guyane !
Quelle histoire va-t-il porter exactement ? Quel “statement” ?
Parce qu'un noir qui joue un premier rôle, celui d'un jeune délinquant, faut-il le dire, à la PDA, y'a pas photo; Ce sera interprété par tous, quoi qu'on dise, comme une affirmation.
Car les jeunes noirs délinquants sont plutôt dominants dans les clichés qu'on est tannés de voir et qui ne nous représentent pas.
J'écoute. Je réponds.
Ça va prendre d'la musique pour que la trame de fond qui ambiance le script puisse bien s'agencer ! Pour que “ça sonne” vrai, cette histoire dans le franc parlé d'un homme noir en qui l'enchaînement des éléments, du temps, des lieux, des actions-réactions, des conditions des marges de vie de Montréal imprègne la peur.
Cette peur qui nous mène tous, d'une façon ou d'une autre, dans un environnement ou dans un autre, à un moment ou à un autre à une inertie... ou à un agir sans réfléchir.
Réfléchir... Qu'on le sache ou non, c'est ce qu'on fait toujours. Les uns sur les autres.
Je vous épargne tous les épisodes de vives discussions sur le scénario de base, sur les nécessités d'ajustements, sur les détails des uns, pierres angulaires des autres, sur l'ordinaire des uns, le sacré des autres, sur les possibles chialages de toutes parts et le réel travail, la réelle mise en oeuvre consciente de chacun. J'vais pas m'élonger sur l'importance de la justesse de la langue parlée du personnage, ni même sur le poids de l'histoire passée et à venir exprimé par tous les gestes qu'il pose dans cette oeuvre qui enfin parle de nous. Pour nous ?
Et si je n'entre pas dans le vif de ce sujet, ce n'est certainement pas pour le balayer du revers du script ou de mon kob en éventail. God no. C'est que l'exercice a été très prenant, comme toujours, en temps et en énergie que je me refuse à résumer en quelques phrases sous une affiche promo. Mais ça a été très enrichissant. J'ai appris beaucoup, dans les deux sens.
J'ai choisi de partager la confiance avec Christian (Christian Fortin, à la mise en scène) et Anglesh.
Car franchement, le jeu en vaut la chandelle.
Je laisserai parler l'oeuvre et la conversation qui s'en suivra.
Au terme de plusieurs échanges, toute l'équipe s'est harmonisée autour d'une même volonté :
À Montréal en 2020, King Dave va être noir et ça va s'entendre, ça va se voir et il sera universel. Boom !
Ça va frapper, ça va faire jaser, ça va être du lourd, du défi pis d'l'ouvrage !
Mais on est rendu là. C'est ce qu'il faut. On fera juste, on fera vrai, on fera de notre mieux. Go.
***
On arrive bientôt à la date de la première.
J'entends des tintements et ce ne sont pas que les murmures de la fébrilité, ni que ceux de cape et d'épée.
C'est aussi l'écho qui marque le temps d'une nouvelle époque, du changement qu'on subit ou qu'on décide de construire à notre image, une scène à la fois. Alors faisons l'histoire.
Je suis en train de mettre les derniers effets sur les dernières notes de musique.
J'essaie de faire en sorte que chaque son, chaque instrument illustre tout ce que je viens de dire et tout ce que je n'ai pas encore dit, sur la profondeur qui l'habite, l'amour qui le jure, les regards qui le jugent, l'histoire qui le pèse, sur le symbole de la couronne de King Dave.
À suivre...
Teaser de la websérie en développement adaptée du roman jeunesse de l'autrice québécoise Annie Bacon
Une réalisation de Sébastien Godron
Scénariste : Elisabeth Locas
Producteur exécutif : Laurent Everaerts
Et la musique ? Par Jenny Salgado
Pendant le mois de septembre de 2020, Guillaume Soucy et l’organisme À portée de mains ont eu la brillante initiative de diffuser un projet de multimédia éphémère sur les murs du quartier St-Michel à Montréal.
L’idée était de synchroniser les poèmes ou textes de différents écrivains (un/une par semaine) sur des images et de la musique en toile de fond.
Ils m’ont contactée pour me proposer de faire partie des auteurs. Ils m’ont dit “St-Michel, poésie, réverbérée direct sur les murs et corner des petites rues et avenues passantes…
J’ai répondu : « C’est cool. Présente. C’est le moment de se redonner à la source. »
Et j’ai écrit un texte pour l’occasion.
En arrivant sur place, j’étais pas certaine de mon feeling initial.
J’me suis demandé quel était le réel entrainement du geste puisqu’il n’y avait pas eu de promotion et donc pas de foule sur les lieux.
Mais quelque chose, de l’ordre du subconscient, m’a gardée plus longtemps que prévu sur place.
Puis comme j’écoutais la musique et lisais mon texte qui se répétait en boucle, imprégné dans cet environnement et surtout, dans les regards des citoyens qui passaient avec leurs quotidiens dans les mains dans leurs démarches existentielles, j’ai tout pigé.
J’ai compris que cette boucle faisait son oeuvre dans le temps…
Ce sont les passants, les habitants du quartier qui nous l’ont dit puis nous ont remerciés de leur offrir une parcelle d’âme, ce quelque chose qui retient leur attention et leur parle, à eux !
« On voit jamais ça ici ! D’habitude, faut se rendre au Centre-Ville pour avoir accès à cet art là ! Ça fait du bien que ça vienne à nous…»
« Merci de faire ça pour nous, le vrai monde. De nous parler dans le langage du vrai monde, ici, direct où on habite ! »
« Ah! Ça c’est super pour les jeunes du quartier qui passent pis qui ont pas l’choix d’entendre, de voir pis de lire ça, construit pour eux, par quelqu’un qui vient d’la même place qu’eux… bravo. »
Voilà.
Voilà à quoi ça sert l’éphémère qui s’imbibe à vie dans le coeur et l’esprit de ceux pour qui il a été créé.
Merci.
Cliquez pour lire le texte
Je vous l’ai déjà dit, je le dis constamment : jamais je ne me tais.
Ma vie entière est ma déclaration.
Aucune absence, aucun silence. Que des déclamations…
Nul ne parle en mon nom.
Pas même pour esquisser ne serait-ce qu’une parcelle de ce que je pourrais penser. Le jour où nous saurons nous questionner au lieu de nous juger, où nous nous laisserons le temps de nous développer avant de nous conclure, ce jour-là annoncera le vrai changement. Celui vers un monde où chaque homme parle toujours à tous, pour tous, de tous les hommes.
Je me croyais démocratie. Aujourd’hui je ne crois plus, je suis.
Car tout régime politique est un système.
Tout système est une construction ordonnée.
Et là où il y a ordonnance, il y a forcément “ ordonneur ”.
Alors où ce dernier me classe-t-il dans sa vue d’ensemble ?
À quel moment arrive-t-il à moi quand il distribue les biens, pour ne pas dire l’existence à l’ensemble ?
Qui reçoit-il lorsque la table est mise, quel est son raisonnement ? Et pourquoi celui-ci ne m’attribue-t-il ENCORE que les restants du banquet, les miettes sur le parquet ?
Je m'adresse aussi à toi, toi qui réclame ta volonté comme si c'était la mienne, toi qui parle à ma place !
Je n'entends que du vacarme, j'entends crier “lève-toi !”,
Je vois s'élever des symboles, je vois s'élever les poings
Je vois les larmes versées sur les stèles des rois, je vois s'élever des couronnes qui n'ont plus d'auréole,
J'entends s'élever les voix, j'entends s'élever des mots !... mais le sujet reste assis.
Avant, je croyais en la démocratie.
Aujourd’hui, je ne crois plus.
Je suis chaque individu de cet ensemble né pour manifester l’impartialité dans l’unité.
L’ordonneur ?
Si l’ordonnance ne découle pas du droit naturel à l'équité que possède tout un chacun dans l’équilibre, je l’appelle imposteur quand il m’appelle désordre. Nous voilà opposés.
Ce ne sont pas là mes propositions. Ce sont ses définitions. Et il paraît que nous discutons, sans nous attarder à la linguistique :
- Qui est votre leader ? Et que voulez-vous ?
Me demande-t-il, comme si on négociait une belligérance au milieu des tranchées.
Comme si on se scindait en pays étrangers.
- Tant de ventres à nourrir, mon frère. La raison d’exister !
I can hear my belly, mon frère ! Il impose sa gérance !
Aucune frontière ne représente une fin. Sinon celle de l’errance.
Une seule mère nourricière. Une seule mère patrie ?
Tu le sais, c’est toujours la faim qui défonce les garde-manger.
Sauf quand c’est l’avarice. Celle qui nourrit ses riches.
La vie n’a pas de prix. Tu distribues la mort ! Tu crois qu’on ne voit pas le tri ?
N’est-ce pas toi que j’ai nommé jadis, pour m’interpréter ?
Ma parole t’es prêtée. Et je n’ai qu’un seul mot pour répondre à tes deux questions :
Elle s’appelle évidence.
L’éléphant dans la pièce.
Toi, tu joues l’élu, faon devant les phares, l’inconscient du Far West ?
L’éclat des coups de feu lui non plus ne fait pas de sémantique.
Il parle économie. Le sceau des grands vaisseaux. T’inquiète, on connaît.
T’as picoré la terre, t’as picoré ma peau, mais qui touchera mon soul ?
Ça va de mal en pis, en oeuvre pie décoré. J'entends les tintements de tes poches que tu frôles.
La richesse d'un coeur lourd, la tête sur les épaules,
J'ai vu le sommet.
T'inquiète, nous aussi, on sait qui on est.
Rejouer ta putain de scène antique ?
J’te vois sous ton bonnet !
Aucun trou de mémoire, l’histoire me l’a dit, ceci n’est pas mon rôle.
Démocratie ! Il manque des morceaux dans l’puzzle !
Et chaque pièce volée exigera toujours qu’on redonne la monnaie…
Je m’appelle Évidence et si devant moi tu détournes les yeux,
tu es de mauvaise foi mais moi, je ne crois plus. Je suis ce que je veux.
La même chose pour tout le monde : Je veux ma part.
Je veux l’équilibre.
Je veux la paix.
Respect à tous les feus affranchis
qui dans cette histoire systémique ont fait combustion avant moi.
Pardonnez ce temps, ce spectacle disgracieux sous ces lumières sombres.
Je m’en irai à votre vie. Je ne retournerai pas à vos tombes.
Je n’attends plus. Je ne lead même plus.
Aujourd’hui… Je suis.
Jenny Salgado