Salutations et chapeau bas à Sylvie Lavoie qui m'a invité à composer la musique pour la version audio du livre Ayiti de l'écrivaine américaine Roxane Gay. Comme j'ai dit à Sylvie après avoir écouté l'ensemble de l'oeuvre dans sa finalité, c'est sensible, c'est juste, c'est noble et c'est intègre. Donc vraiment touchant...
Bravo à Stanley Péan pour cette judicieuse traduction francophone. J'y ai reconnu mes accents et ceux de ma famille élargie avec grand plaisir.
Bravo aussi à tous les acteurs-narrateurs de l'oeuvre qui donnent une voix profonde à tout le poids d'une histoire qui se raconte au présent comme à tous les temps dans un quotidien palpable et hypersensible à hauteur populaire. Une grappe de nouvelles qui nous font voyager entre le rêve et l'implacable réel, entre les résilliences et les ambitions, entre le désir et l'abandon, entre le corps et l'âme. Et c'est porté par une force féminine digne de la spiritualité matriarche d'un peuple.
Bref, c'est chaud...très chaud ! ;)
Et ça, c'est tellement propre à ma magnifique culture haïtienne ! Cette façon de traverser les émotions, comme la vie, sans réserve, sans fausse pudeur. Ce qui contraste les lourds silences de nos parents, silences d'un récit qui attend son écoute en protégeant son infini, en protégeant puis berçant ses enfants.
***
Je connaissais le monument Roxane de par sa réputation et ses coups d'gueule. Je la découvre dans sa force vitale et spirituelle.
J'entends. Je ressens. Je comprends.
Appuyer tout ça en rythmes et en mélodies, tout un défi mais tout un trip qui me plonge encore une fois, à ma grande surprise, en moi.
Clair-obscur, l'ombre et la lumière, le bien dans sa légèreté comme dans sa sévérité, la terre ferme, la terre Femme et celle qui fait trembler, les cieux éternels qui parlent avec la mer, la mer bleue, la mer noire, la mer impasse, la mer qui en nous veut croire...
Rester à jamais ou partir pour toujours ?
Mèt Agwe nan kay la ! An n ale !
Bon voyage la famille ! On se retrouve au point de départ.
Écoutez le livre Ayiti de Roxane Gay, produit par Sylvie Lavoie, traduit par Stanley Péan et somptueusement lu et interprété par Fayolle Jean Senior, Schelby Jean-Baptiste, Cynthia Jean-Louis, Garihanna Jean-Louis, Marie-Evelyne Lessard, Didier Lucien et Mireille Métellus ici sur l'appli OhDio de Radio-Canada : https://ici.radio-canada.ca/ohdio/livres-audio/105870/ayiti
Gros merci, comme toujours, à André courcy qui a mis les mains à la pâte avec moi à la compo et que vous entendez à la guitare.
« H » est une entrevue-documentaire où on a été invités, Maky Lavender, High Klassified et moi, à répondre à différentes questions où on échange sur nos parcours respectifs, sur la passion, le devoir, les ambitions, les rêves, le devenir...
Je ne savais pas à quoi m'attendre en arrivant sur les lieux de tournage ;
L'équipe nous a filmés séparément, dans des lieux et horaires disctincts, en noir et blanc, sous des angles et des prises de caméra inusités mais que j'ai tout de suite trouvés singuliers. Ça m'a plu. Ça m'a sortie des campements habituels.
J'ai accepté de jouer le jeu, je les ai laissé m'entraîner. Les questions et la démarche étaient inspirantes.
Quand j'ai regardé le résultat, un p'tit sourire en coin, j'ai tout de suite compris la poésie qui s'accordait entre l'approche graphique et technique, les questions-réponses, le choix des intervenants et la vue d'ensemble de l'oeuvre.
On s'y promène dans les distances entre les contextes, les genres, les générations, les volontés, les interrogations et les assurances, les causes et les convoitises... Mais comme si le réalisateur, Keenan Moïse, savait déjà où il nous conduisait en nous questionnant, on se retrouve tous les trois au sein d'une même conclusion qui révèle une même identité et une même source racinée :
Si nous sommes singulièrement ce que nous sommes tous les trois, c'est que nous pouvons tous nous résumer en un seul mot et même une seule lettre : H pour Haïtiens. C'est comme ça qu'on s'évoque quand on parle de nous entre nous, les H.
Et voilà qu'on se retrouve à tisser notre unité dans une même fierté, une même force, une même certitude inaltérable et indissociable.
Respect au DJ fondamental
Aux DJ dans le sens étymologique, OG du terme. Ceux qui ride le riddim pour orienter la vibe dans l'exaltation jusqu'à ce qu'elle engage tout en une composition, une narration. Ceux qui ont succédé aux griots qui racontent l'Histoire, au son des tambours et des ngombi, devant les cases comme aux portes des Bandja...
Respect à ceux qui savent faire bouger le corps comme l'esprit !
La Terrasse du 1000 m'a invité à performer un DJ set de 2h pour ce dimanche 4 juillet 2021 à 18h. 🔥 dans la kay!!!
J'accepte avec grand plaisir. Sérieusement, de tous les embranchements de mon métier que je pratique, le Deejaying est celui qui me fout le plus en extase. Je m'y jette, m'y perds et m'y retrouve corps et âme.
J'appelle ça « La Chevauchée ». Entre la pas, le trop et le galop, je guide ;)
Donc... Règlements du jeu ?
On me demande que ce soit majoritairement canadien, que j'balance plus de chansons francophones que celles d'autres langues et qu'il n'y ait pas plus de 3 ou 4 moments anglos. Pour le reste, je tiens les rênes.
Le sujet proposé ? : La plage
Parfait. J'vois déjà l'horizon.
J'en profiterai pour rendre hommage à la mer.
Et à tous ceux qui la connaissent, qui en rêvent, qui l'ont traversée...
Pour ceux qui ne m'ont pas encore entendu mixer et ambiancer, j'vous lag la substance drette là.
Évidemment, vous me connaissez, ce sera différent de c'que vous entendez d'habitude. On quitte la zone de confort pour la turbulence et on s'en va ailleurs…comme chez nous. Toujours.
Et puisque c'est signé Jenny Salgado, vous savez déjà... Faut qu'ça parle haut, en spirit, en mots et en absolue soul technique, rien de périlleux juste de l'émancipé ;)
Entre les machines et l'essence naturelle, entre le mind et le coeur, entre le fondamental et l'émergent, ou plutôt l'émersion, entre ce qu'on sait et ce qu'on laisse aller…vas-y, lève le son, feel le beat, bouge ton postérieur mais tends l'oreille. Parce que...
Ye crick Ye crack ! Il était une fois…
Écoutez la suite et le DJ set ici
est une nouvelle émission très intéressante qui joue cet été, le samedi à 15h à Ici Première, sur les ondes de Radio-Canada.
Elle est animée par Catherine Perrin et réalisée par Diane Maheux.
L'émission se penche sur la musique engagée qui a jalonné l'histoire, sur ses signifiances ainsi que sur les artistes et leurs démarches qui ont permis l'élan, l'éloquence et le manifeste de chacune de ces pièces influentes.
Autrement dit, on retourne au soul et à l'essence de la création musicale.
Conséquemment, j'ai été invitée à collaborer à l'émission de ce samedi 3 juillet pour parler de mes compositions personnelles mais aussi de celles qui nous ont tous inspirés lorsqu'on suit les sentiers des mouvements de défense des droits civiques.
Comme on dit chez nous, honneur, respect...
Écoutez l'émission ICI , aujourd'dui, samedi 3 juillet 2021 à 15h.
Pour moi, ce qu'il est important de noter quand on parle de l'histoire des droits civiques des afro-américains, c'est que ce mouvement ne peut pas être borné par une date de début et une date de fin, par ces chiffres totems qui viennent délimiter une paix symbolique qui n'est encore enracinée ni dans son perdurable et ni même dans son originel.
Tout comme on ne peut non plus la cantonner derrière des frontières allégoriques où certains aiment bien s'enfouir la raison pour se convaincre que “ tout ça ne se passe pas ici, chez nous ! ” Car aussitôt que furent imposées les hiérarchies humaines de l'esclavage et des colonisations qui ont gravé, creusé ces frontières dans notre peau comme dans notre vue d'ensemble, le mouvement naturel du Nègre vers sa liberté s'est fait entendre puis connaître partout.
Il faut aussi noter que ce qu'on a choisi d'appeler “ la musique ” existait, selon les dires de nos hommes de science et de leurs vestiges paléolithiques, à l'âge de bronze, y'a plus de 40000 ans av. J.-C . Elle se trouvait déjà sur le continent africain où les hommes créaient des mélodies sonores, à l'aide de leurs voix et de leurs instruments, pour d'abord se retrouver puis pour se donner du rythme et du courage au travail, à la chasse, aux longues marches, à la guerre... pour eventuellement en faire de la beauté, destinée à implorer puis honorer les cieux, la terre, la nature et tous les dieux qui les ont habités. Vivre est devenu une danse.
La musique, tout comme l'Homme, était déjà en mouvement.
Ceux-ci ne se sont pas impulsés sous la menace du fouet et des piétinements de l'ordre raciste systémique.
Ils ont été appropriés, sous cet ordre, puis vendus, par ce système.
Vous savez, on ne pourra pas toujours se confondre sur les liens entre la marionnette et la main.
Car qui bouge et qui fait bouger ?
Ces liens rompus, le spectacle se désarticule ; Quelle scène s'écroule et quel monde agit ?
Quels sont les sons, les accents de l'énergie ?
Quelle odeur libère l'art qui brûle ?
Ainsi, pour résumer la base qu'on entend pas assez, l'histoire de la musique populaire hollywoodienne - et donc internationale - c'est en d'autres mots, l'histoire même de la musique des Noirs, engendrée par les Noirs.
Cette musique codée, multi-couches, qui a traversé les océans, qui a été partagée entre les griots, entre les marrons, entre les révolutionnaires pour devenir cri de liberté, devenir rythmes-racines ancestraux, devenir chants des champs, du working man, des fers et des chaînes, des rails et des chemins sans destin, devenir vaillance du paysan, coeur du Negro-Spiritual, âme du Blues puis du Ragtime, âme des hurlements de guitares détunées, du love du R&B qui entraîna le Rock'n'Roll et l'intelligence du Jazz qui fait briller ce Freestyle qui ne se décortique toujours pas ! Même quand il est bétonné et machiné par la rue, par son hustle et son Hip Hop qui ne meurt pas !
Musique de sauvages, disent-ils ?
Tous ces sons disséminés aux quatre vents sur les billboards de la planète “American Dream” descendent tout droit de la hantise cauchemardesque du Nègre à qui les colonies n'a pas pu enlever le natural mystic. Seulement le profit des êtres de papier d'une forme retenue, puis formatée pour l'échiquier des chéquiers du marché global...
Or, tous les commercialisateurs, tous les ordonnateurs comme les ordinateurs, tous les économythiques comme les écolomuteurs le savent très bien que ce qui a beau maîtriser la forme pour la conquérir ne saura jamais contenir le fond, le composite du mouvement spontané primitif.
On ne contrôle pas la révolte des eaux.
Ce n'est pas le feu qui brûle qui embrase le vol de l'oiseau !
Quand les eaux se verront nous engloutir, je vous laisserai votre homérique billet pour Mars.
Je vous laisserai vous imaginer défier l'auteur du thème du générique, se moquant de vous comme une garce...
And that's what we call Freedom. Freedom Songs.
Voilà pourquoi la musique des droits civiques des Noirs est, a toujours été et sera toujours en mouvement.
Voilà pourquoi toute musique noire est une musique engagée et de ce fait, respectable ne serait-ce que pour sa généalogie, sa portée et sa franchise.
Voilà pourquoi, même lorsqu'elle s'amuse, la musique noire ne joue pas. Parce qu'elle ne fuit pas mais elle se bat ! Et donc elle vit !
Elle inspire la vie !
Voilà pourquoi j'en ai fait naturellement mon métier et mon souffle. Pourquoi je la prends très au sérieux.
Pourquoi je la laisse évoluer, jusqu'à ce que vie s'en suive.
Écoutez l'émission aujourd'hui, 15h, sur Ici Première à Radio-Canada
Écoutez l'émission
Ça fait deux décennies qu'on me parle du fameux déclin de la langue. Pourtant la langue, elle, elle s'en balance ! Elle fait son chemin, bouge avec le temps, enlace le courant… Peut-être qu'on devrait la suivre nous aussi et l'écouter plus attentivement plutôt que de chercher à la retenir et à la figer dans quelque chose de trop petit pour elle.
Une langue, ça ne s'impose pas. Ça s'imprègne à force d'être entendue puis appréciée dans son bouquet de vies journalier de la parlure commune.
Je trouve ça tellement désagréable et presque honteux en fait quand j'écoute des gens discuter sur nos écrans ou dans nos différents canaux de diffusions de la pensée et que je peux les voir, les sentir se retenir puis briser le flot de la conversation sous la menace de la police de la langue. Tu vois dans leurs yeux, tu entends dans les oscillations de leur élocution l'hésitation alors qu'ils interrompent la crue de la convo pour chercher à traduire leur parlure naturelle et commune par cette soit disant langue imposée des justes et des bien-pensants.
Ils me font marrer…
Je suis fière de la langue française - ma préférée d'ailleurs - telle qu'elle se présente en connaissance de cause dans toute sa liberté, son originalité et sa pertinence, avec tous ces accents et ces expressions sans frontières qui la gardent présente, tangible et vivante dans son mouvement qui s'harmonise avec le reste du temps, le reste du monde. L'histoire se compose encore, mes amis ! Et sa langue aussi !
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Dans le cadre de la Nuit Blanche de Montréal en lumière 2021, Pierre-Yves Lord nous a invités pour son émission spéciale, Manu Militari et moi, à écrire un verse pour l'occasion sur le sujet.
J'en ai profité pour balancer une petite minute de leçon de Rap.
Et d'histoire en même temps sur ce que signifie ou promet une nuit enflammée.
Shoutout à Nic Boulay pour le beat
Le jour se couche là
Où le rêve le relaye, le relève et le paye...
On est à l'heure de l'éveil
Wouch!
Alors je l'enfourche
La nuit porte conseil puis elle me lâche lousse
Lumière
Yayades
Frère Jacques se balade,
On fait la révolution en cuillère.
Déclanchez la guerre ! L'amour de la nuit !
Gloire aux G qui ramènent le bread
Les longs couteaux veulent trancher la mie
Mais le jour nie toute hégémonie
J'ambiance l'insomnie ;
Blanche est la nuit et le noir ramène sa lumière
Fiyah bun dans les chaumières !
Rythme créole dans la langue de Molière
Laisse tourner la terre que j'embrasse l'apocalypse
Vas-y baby, jette l'aiguille sur le disque
La nuit - Le feu
Le feu - Le phare
Le phare - Le sun
Le sun - Icare
L'égo - Le corps
Le maître…Igor
Méfie-toi de l'aube qui dort.
Et je m'éclipse…
Évidemment, on a beau débattre de la pertinence de la célébration du Mois de l'histoire des Noirs à chaque année, reste que c'est toujours et presque exclusivement pendant le mois de février que les échanges et le talent brillent par leur noirceur.
Et je ne parle pas seulement de la couleur de peau. Je parle aussi de l'obscurantisme dans lequel ces distinctions et ces conversations sont reléguées et de cet identitaire de seconde classe, ce rôle de figurant qui attend son tour derrière les rideaux en espérant qu'en celui-ci, il ne s'éclipsera pas irrévocablement...
Alors parmi tous les coups d'éclat de toutes les formes et de toutes parts, (et je dois admettre le triste constat que plusieurs lueurs d'espoir, maintenant à bout de souffle, en sont à se tamiser ou même s'éteindre. À force de coups de paix dans l'eau !
Parce' fuck les charrieux pis les chariots d'la caravane qui ne passe que là où ça aboie !
Au royaume des bornés, les aveugles sont rois…et les muets sont ornés de l'imposture qui flamboie ).
Bon. Là j'vais faire gaffe de ne pas m'emporter...si tu vois c'que j'veux dire.
Je disais donc que parmi toutes les expositions du mois, je vous partage celle-ci.
Myriam Fehmiu et Philippe Fehmiu, que je big up pour le micro qu'ils ont passé aux afro-descendants pendant tout le mois de février, ont invité plusieurs figures marquantes de tous les horizons de la communauté pour réfléchir à cette quesrtion :
Comment faire rayonner les gens des communautés noires et racisées au-delà du mois de février et j'ajoute, au-delà des événements socio-politiques qui buzzent en ce moment ?
Excellent échange de points de vue que je vous conseille d'écouter intégralement.
Moi, je viens jetter de la lumière à 15h21 pour qu'on revoit ensemble l'histoire en poème dans “Ces fruits étranges”.
Et j'y reste pour la table ronde qui s'en suit.
Il ne suffit plus d'être présent. Désormais, il faut exiger d'être présent, dans sa peau.
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Maliciouz est une artiste que je suis avec admiration depuis plusieurs années déjà.
J'ai vu plusieurs de ses expositions, j'ai vu plusieurs de ses fresques sur les murs de la ville et à chaque fois, c'est un peu comme si j'étais dans un musée. En fait, ça me rappelle que l'art, le vrai, s'appréciait dans la rue, dans les cypher, sur les plages, devant les cases, devant les griots, sous le ciel...avant d'être soit disant exhaussé sur des scènes, des présentoirs et des piedestaux.
Je m'arrête. Je me laisse attraper. Le temps ne compte plus. Il 'y a plus que l'oeuvre et moi et on se regarde, les yeux dans les yeux.
Quand Maliciouz m'a dit qu'elle publiait un livre dans lequel elle assemblait ses créations, un peu comme on assemble les morceaux de notre mémoire, en m'invitant à y écrire un texte sur le sacré, sur cette spiritualité transmise depuis toujours par notre sang, je n'ai pas cherché longtemps pour que l'inspiration me trouve.
Voici ce que je lui ai répondu :
J'espérais pouvoir envelopper décemment un de ses tableaux avec mes pensées.
Mais quand j'ai vu toutes les peintures et les statements qui entouraient mon texte, comme pour rappeler toute la place que la vie et moi on occupe l'une dans l'autre, l'une pour l'autre, j'ai retrouvé la vue d'ensemble. Thanks sista.
Rarement on ouvre un livre et ressent une telle intensité émotive dès qu'on pose les yeux sur les premières pages. Ces images qui valent mille mots mais souvent aussi, mille silences…
La voix de Maliciouz porte très haut. Quand tu peux entendre à la fois le passé et le futur dans un même instant, c'est que t'es freakin' là ! T'sé quand tu catch que t'es pas juste le pont mais que tu es aussi la mer, le ciel, le courant ?
Que t'es pas juste une identité définie dans un cadre mais que tu es ce regard auquel, dès lors qu'on le croise, on s'identifie ?
En plein coeur de ces desseins en mouvement, page 120 : Spirits.
Le texte que j'ai signé. En tout honneur et respect.
https://www.maliciouz.com/
Non mais, tu crois qu’en entendant dire « N-word », je n’entends plus le mot nègre ?
Que je crois que quiconque en disant «N-word», dans sa tête ne pense pas au nègre ?
Hey ! Faut arrêter les gars ! Mascarade à la con…
Et voilà que le mot maître de sa liberté, en toute liberté, se fait blackbouler pour devenir à lui seul maître de l’esclave...
Le nègre
est une couleur que la colonisation a attachée à la servitude,
l’opposant à la couleur blanche qu’elle associa à la liberté.
Et c’est dans la stratification des tons entre les deux que se déploie la hiérarchisation raciale, le racisme systémique.
Je ne suis pas née « libre de couleur ».
Je suis née nègre. Comme ma peau que jamais je ne blanchirai.
Je suis née nègre au nom de tous les nègres qui m’ont évoquée en criant liberté !
Nous sommes libres parce que je suis encore…Nègre !
Tu les entends crier ?
Nègre fondamental, nègre lakay, grand nègre, nèg pam…
Voici l’homme !
Le Nègre de l’exploitation de l’Homme par l’homme.
Et ce, quoi qu’il advienne…
Honneur et respect à tous les pères et toutes les mères de notre histoire
qui aux pieds de l’arbre généalogique
ont versé leur sang, ont donné leurs vies pour faire naître la mienne.
Naître et mourir, un même souffle, harmonique.
La liberté n’est amère qu’à la bouche de ceux qui craignent qu’elle les voit soumis.
Entre l’amertume de celui qui se tait et s’oublie
puis celle de celui qui pense “ Nigga, sue me”,
laquelle est la plus assassine ?
Sur mon certificat, ce lègue en signature; Douce mais tranchante, ma plume s’affine.
Laissons renaître le Nègre.
Car aucun enfant du monde ne naît aigre
aux bras de ses racines.
Jenny Salgado
Comme on dit en créole, Onè! Respè! pour et de la part de mes deux Gran Nèg, Imposs et Webster...
J'entre en scène à partir du moment où Alexandre Goyette (celui qui a écrit la pièce originale et qui a lui-même joué King Dave autant au théâtre que dans l'adaptation au cinéma) fait vibrer mon téléphone...
Il m'explique, dans une conversation très intéressante et même très importante, qu'à la prise de conscience de tout ce qui se passe en ce moment socialement dans le monde et particulièrement ici au Québec quand aux évènements puis débordements autour du meurtre de George Floyd, aux prises de paroles sur le racisme systémique et aux actions nécessaires face à l'inéquité raciale, il avait envie de se responsabiliser lui aussi, de faire sa part.
Voilà où s'enracine pour lui l'idée de reprendre son oeuvre totem, celle qui a eu un énorme succès il y a 15 ans, mais en cédant son rôle aujourd'hui en 2020, celui de King Dave, à Anglesh Major, un jeune acteur haïtiano-québécois qu'il avait vu jouer y'a quelques années, qui l'avait vraiment impréssionné et qu'il s'était promis de revoir.
L'équipe de Duceppe a adoré l'idée. Elle a embarqué. C'est elle qui la présentera.
Anglesh dans un premier rôle, dans un seul en scène, à la Place-des-Arts... woush ! Placez deux ou trois emoji de feu ici. C'est chaud.
Mais chaud patate ! Comme disent les Haïtiens de Guyane !
Quelle histoire va-t-il porter exactement ? Quel “statement” ?
Parce qu'un noir qui joue un premier rôle, celui d'un jeune délinquant, faut-il le dire, à la PDA, y'a pas photo; Ce sera interprété par tous, quoi qu'on dise, comme une affirmation.
Car les jeunes noirs délinquants sont plutôt dominants dans les clichés qu'on est tannés de voir et qui ne nous représentent pas.
J'écoute. Je réponds.
Ça va prendre d'la musique pour que la trame de fond qui ambiance le script puisse bien s'agencer ! Pour que “ça sonne” vrai, cette histoire dans le franc parlé d'un homme noir en qui l'enchaînement des éléments, du temps, des lieux, des actions-réactions, des conditions des marges de vie de Montréal imprègne la peur.
Cette peur qui nous mène tous, d'une façon ou d'une autre, dans un environnement ou dans un autre, à un moment ou à un autre à une inertie... ou à un agir sans réfléchir.
Réfléchir... Qu'on le sache ou non, c'est ce qu'on fait toujours. Les uns sur les autres.
Je vous épargne tous les épisodes de vives discussions sur le scénario de base, sur les nécessités d'ajustements, sur les détails des uns, pierres angulaires des autres, sur l'ordinaire des uns, le sacré des autres, sur les possibles chialages de toutes parts et le réel travail, la réelle mise en oeuvre consciente de chacun. J'vais pas m'élonger sur l'importance de la justesse de la langue parlée du personnage, ni même sur le poids de l'histoire passée et à venir exprimé par tous les gestes qu'il pose dans cette oeuvre qui enfin parle de nous. Pour nous ?
Et si je n'entre pas dans le vif de ce sujet, ce n'est certainement pas pour le balayer du revers du script ou de mon kob en éventail. God no. C'est que l'exercice a été très prenant, comme toujours, en temps et en énergie que je me refuse à résumer en quelques phrases sous une affiche promo. Mais ça a été très enrichissant. J'ai appris beaucoup, dans les deux sens.
J'ai choisi de partager la confiance avec Christian (Christian Fortin, à la mise en scène) et Anglesh.
Car franchement, le jeu en vaut la chandelle.
Je laisserai parler l'oeuvre et la conversation qui s'en suivra.
Au terme de plusieurs échanges, toute l'équipe s'est harmonisée autour d'une même volonté :
À Montréal en 2020, King Dave va être noir et ça va s'entendre, ça va se voir et il sera universel. Boom !
Ça va frapper, ça va faire jaser, ça va être du lourd, du défi pis d'l'ouvrage !
Mais on est rendu là. C'est ce qu'il faut. On fera juste, on fera vrai, on fera de notre mieux. Go.
***
On arrive bientôt à la date de la première.
J'entends des tintements et ce ne sont pas que les murmures de la fébrilité, ni que ceux de cape et d'épée.
C'est aussi l'écho qui marque le temps d'une nouvelle époque, du changement qu'on subit ou qu'on décide de construire à notre image, une scène à la fois. Alors faisons l'histoire.
Je suis en train de mettre les derniers effets sur les dernières notes de musique.
J'essaie de faire en sorte que chaque son, chaque instrument illustre tout ce que je viens de dire et tout ce que je n'ai pas encore dit, sur la profondeur qui l'habite, l'amour qui le jure, les regards qui le jugent, l'histoire qui le pèse, sur le symbole de la couronne de King Dave.