Je me suis débattue longtemps pour écrire ce texte. La parité ? Encore la parité ?
J'ai l'impression d'avoir déjà tout dit sur le sujet, tout entendu aussi. Au point tel que dire encore, c'est presque contribuer à nous embourber dans le marasme du faux progrès. Celui qui croit et prétend régler tant de choses simplement parce qu'il les nomme encore et encore. Comme si nommer l'effet, le décrire sous toutes ses facettes, suffisait à le métamorphoser, suffisait pour le faire évoluer vers le mieux sans même identifier sa cause.
C'est donc un peu ça que j'ai choisi de dire cette fois. Le geste fractionné d'hésitations, toutefois.
Le mot “ parité ” lui-même, son abstraction platonique commencent à me saouler ben raide, j'vous dis.
J'en ai marre d'être là pour crier que je ne suis pas. Je suis là pour dire que je suis.
Alors, I'm gonna break it down to you one more time. Pis après, j'me relève et on parle de sommet, de culminance, de hauteurs, de vertiges, de vues d'ensemble, d'horizons, de zénith... C'est bon ?
J'écris...
Tout à coup, alors que j'm'en attendais pas du tout, j'pogne c'qu'on appelle dans l'jargon d'la perfo “ la zone ”.
Celle où l'écrivain touche à une certaine objectivité et devient son premier vrai lecteur (quand l'émotion t'arrache du moment, du crayon, du papier, de l'écran, du clavier et que tu feel tout au présent, même à travers le vécu des autres. Tu ne fais pas que l'écrire, tu le vis. Se souvenir au présent...Ça flow tout seul.) Y'a queck chose de plus grand que toi qui a besoin de se dire et toi, tu ne fais que traduire en mots.
Je mitraille. Non, j'arrose.
J'sors du geste, de la vision en tunnel. J'écris à voix haute.
Je parle...
***
Ce matin (coup'de mois plus tard, revenant de voyage), retour au bureau.
Parmi toute la paperasse qui me hèle, j'ouvre cette petite enveloppe jaune et en sors l'objet : L'Agenda des femmes 2020.
La page couverture est superbe. Je la regarde longtemps. L'illustration du propos est right on. Chapeau à Ravy Puth.
J'sais pas, j'ai même pas encore vu les textes mais juste le fait qu'ils soient posés dans un livre, avec un beau cover dessiné, sur du papier que j'peux flipper, sentir, tordre, offrir en cadeau, lire sans que la lumière bleue m'embrouille l'horizon, ça me touche déjà fortement. Ça m'fait ça à chaque fois.
P'tit effeuillage vitesse avec le pouce. Nice ! C't'un vrai agenda ! Où tu peux inscrire à chaque jour tout ce que tu as à faire pour t'en rappeler. Et à chaque début de mois, tu tombes sur le texte d'une femme ou d'une personne non binaire qui vient se raconter pour contribuer à la culture et à la parité. Se rappeler. Chacun, chacune dans son langage, dans son vécu, dans sa vibe et quand je regarde l'oeuvre que forme le tout ensemble, j'trouve ça vraiment original et attrayant. Constructif. Juste.
Tu peux tout lire d'un coup si tu en as envie. Ou tu peux faire durer le plaisir et le suspens en ne lisant que le texte du mois au fur et à mesure, un peu comme avec un calendrier de l'Avent, tu vois ?
Sauf que derrière les cases, c'est pas du chocolat ou des saintetés qui t'attendent. C'est une réflexion, par des gens du milieu culturel québécois qui nous ramènent à la base, comme dit Clara sur la quatrième de couverture.
Clara Lamy. C'est elle qui est à la direction de l'agenda, qui a harmonieusement écrit l'édito en préface ( qu'elle a pertinemment titré “ Merci pour l'eau ”. Bien pensé. Ça veut tout dire ) et qui m'a invitée à y écrire un texte sur lequel culbute mon regard dès que je tourne la page du mois de janvier.
Aussitôt, j'ai le sourire aux lèvres. Contemplant l'illustration, la mise en page. C'est aussi ça un livre. La matérialité indépendante du texte. L'objet qui transporte les mots. C'est une oeuvre en soit, même avant les mots !
Je me relis rapidement.
Je me souviens de tout ce que j'ai voulu dire...
En me relisant, j'ai l'impression que tout ce qui s'entend encore a besoin d'être dit.
Que chaque percussion qui se répète finira par créer une exaltation de masse,
Une transe ou une cassure.
Que ça prend de l'audace et non d'la censure
Pour entendre c'qui s'passe entre chaque coup d'tambour, chaque coup de hache,
Les variantes, les twists, les craquements
Entre chaque pléonasme.
Trop de silences feignent la quiétude
À défaut de dire la turbulence, les battements, la faille.
De peur de dire par habitude.
Car c'est l'habitude qui nous harasse,
Nous apprivoise, nous domestique...
Ou nous désuétude puis nous mastique. Nous tenaille.
Trop de silences qu'on ignore, bousculés par le chahut
Et y'a ceux-là, aux pieds du mur, sur des perchoirs, dans des volières
Ces captures indécentes qui ne nous appartiennent pas, qu'on observe par-dessus nos oeillères, impuissants,
alors qu'elles attendent leur salut
Trop de silences me sourient, me tendant leurs convoitises, leurs appâts,
Leurs vides abyssaux cachés sous la paille
Et y'a ce silence qui par le dos m'attrappa, like a hook, catchy, posant une main sur mes lèvres, real slow
et l'autre, autour de ma taille...
Mais je parle.
Et j'parle fort.
Vous êtes-vous déjà demandé qui a réellement droit à la parole ? Et ce que dit leur silence ?
Entre tous ceux qui disent et tout ce qui n'a pas été dit, sommes-nous réellement à égalité ?
Entre la parole et le silence, lequel des deux veille sur l'autre, en réalité ?
« Vous avez le droit de garder la parole. Mais tout ce que vous tairez sera retenue. Contre vous. »
Le silence n'existe pas s'il n'est pas porte-voix, s'il ne naît pas pour servir tout le bruit qu'il veut faire entendre.
J'imagine que c'est pour ça que je me dis encore. Que j'ai une grand'gueule pis qu'j'me retiens pas.
Pour dire tout simplement que même lorsque j'me tais, c'est pour qu'on m'entende.
Qu'on entende les sommets, les culminances, les hauteurs, les vertiges, l'horizon, les vues d'ensemble
à chaque pas bruyant que je fais, regardant dans les yeux le silence des cieux.
That's whassup.
Once again, 2 shots au plancher pour tout ce qui m'est égal.
Car le déséquilibre n'est pas qu'un malaise.
Puisque tout est matière and everything matters
Entre les punch lines dans l'arène parce' c'est l'show qui compte
et les pensées qui crèvent là où la parole est illégale
pour quiconque le brise,
le silence est un langage qui parle fort.
Et je veux qu'on le lise
quand c'est à voix haute que j'écris en silence :
I'll always have the floor.
L'agenda des femmes 2020 est disponiblesur le site de Remue-Ménage et dans toutes les bonnes librairies.
Procurez-vous le pour lire mon texte du mois de janvier « Meilleure, ça m'est égale » et les 11 autres auteurs qui suivent l'année.
Merci Clara. Merci Ravy. Super.
À tous ceux et celles qui ont contribué à l'Agenda, très heureuse de faire connaissance.